Encore une fois les foyers modestes et très modestes vont faire les frais des entreprises incompétentes et des escrocs: ainsi les travaux d’isolation thermique par l ‘extérieur vont devenir inacessibles aux plus fragiles.

« MALFAÇONS. Du fait de l’augmentation significative des cas de malfaçons lourdes sur l’isolation thermique par l’extérieur, l’Agence nationale de l’habitat (Anah) vient de décider de diminuer les aides de MaPrimeRénov pour ce type d’opérations, à effet immédiat au 15 juillet.

Depuis le début de l’année 2020 et le lancement de MaPrimeRénov, les cas de malfaçons sur des chantiers d’isolation thermique par l’extérieur se multiplient. C’est pourquoi l’Agence nationale de l’habitat (Anah), qui gère cette aide financière, vient d’annoncer par communiqué de presse qu’elle diminuait son soutien avec effet immédiat au 15 juillet : les forfaits pour les travaux d’isolation thermique par l’extérieur passent à 60€/m² pour les ménages modestes (et 75€/m² pour les ménages très modestes) et « la surface de murs isolés éligible à l’aide sera limitée à 100m², afin d’éviter les surfacturations ». Pour rappel, le montant d’aide précédent était celui de 100€/75€ (très modestes/modestes).

Poser l’isolant, sans poser le parement

Le secteur se retrouve ainsi dans une situation relativement comparable à celle d’octobre 2019, où l’Anah avait décidé de subitement abaisser le plafond de travaux de son programme d’aides à la rénovation énergétique « Habiter mieux agilité ». Les éco-délinquants se montrent en effet particulièrement réactifs pour profiter du moindre effet d’aubaine et de la moindre faille réglementaire.

Depuis le lancement de l’aide MaPrimeRénov le 1er janvier dernier, des acteurs du secteur ont commencé à voir fleurir des chantiers d’isolation thermique par l’extérieur d’un genre nouveau : les panneaux de polystyrène sont installés, mais aucun enduit n’est ajouté. Dans un premier temps, certains ont pensé que ces chantiers laissés-pour-compte étaient la conséquence du confinement de la population. Il en ressort en fait qu’il s’agit bien d’une stratégie volontaire mise en place par des éco-délinquants. « Nous avons vu ce phénomène apparaître assez tôt et avons alerté les pouvoirs publics », explique Audrey Zermati, directrice de la stratégie d’Effy, qui se félicite de la décision de l’Anah. Le modus operandi est simple : « Des entreprises passent poser le polystyrène chez un client très modeste qui paie un euro, elles lui font signer la demande de certificats d’économie d’énergie, s’engagent à repasser une autre fois poser l’enduit, ce qu’elles ne font pas. » Le problème est double : non seulement l’installation en tant que telle n’est pas performante, et représente notamment un danger au vu de la sécurité incendie, le polystyrène étant à nu ; mais il devient extrêmement coûteux pour le ménage modeste de financer un retrait de cette isolation, puis éventuellement la pose d’une nouvelle, cette fois-ci sans toucher les aides. On comprend la volonté de l’Anah d’intervenir rapidement. Nicolas Moulin, fondateur de Vos travaux éco, avait récemment assuré sur Batiactu que les deux sujets liés à la fraude qui allaient ressortir dans les mois à venir étaient l’isolation des murs et l’installation de pompes à chaleur. « Les éco-délinquants qui intervenaient sur l’isolation des combles à un euro sont passés à l’isolation thermique par l’extérieur… », résume Audrey Zermati.

La pose de l’enduit n’était pas clairement spécifiée

Les fraudeurs ont également profité, en plus du niveau élevé des aides de MaPriméRénov pour l’ITE, d’une faille technique dans les textes régissant les aides : il n’était pas clairement dit que dans le cadre d’une isolation thermique par l’extérieur avec polystyrène un enduit était obligatoire. La chose qui vient d’être corrigée en juin 2020, comme on peut le lire dans la dernière lettre d’information CEE du ministère : « Dans le cas d’une isolation par l’extérieur, l’enduit final (crépit ou équivalent) et/ou parement de protection doivent être réalisés pour que l’opération soit éligible. Sans cela, l’opération ne peut être déposée et présente des non-qualités manifestes. » Un travail a été lancé pour réécrire la fiche d’opération standardisée de l’isolation des murs (BAR-EN-102), de manière à ce qu’elle parle de « système d’isolation » en intérieur comme en extérieur, pour s’assurer que c’est l’ensemble des composants d’une installation qui sont pris en compte.

Difficile, pour l’instant, de connaître l’ampleur exacte du phénomène de fraude à l’ITE. Quoi qu’il en soit, depuis le lancement de MaPrimeRénov, 60.000 dossiers ont été déposés, majoritairement par des ménages modestes et très modestes, et 45.000 ont été traités par l’Anah depuis début avril. Pour Philippe Boussemart, président du Mur manteau, il y aurait là « quelques dizaines de fraudeurs ». Il regrette la décision de l’Anah, quoi qu’elle soit efficace, car elle « pénalise les ménages modestes et très modestes ». « Si nous effectuions les contrôles nécessaires, en étant plus exigeants, nous pourrions maintenir les forfaits initiaux », assure-t-il – il est suivi par Effy pour qui des contrôles sur site dans le cadre de MaPrimeRénov devraient être la norme. « Quand on réalise une opération d’ITE qui peut aller au-delà de 10.000 euros, on peut bien en dépenser quelques centaines pour faire déplacer un bureau de contrôle », insiste Philippe Boussemart. Le groupement du Mur manteau se déclare par ailleurs opposé aux offres à un euro en tant que telles. « C’est donner accès au marché à des entreprises non qualifiées. Cela amène à décrédibiliser l’ITE alors que l’on sait qu’en matière d’efficacité énergétique c’est le poste à traiter en priorité. » Alors qu’un plan massif de rénovation énergétique devrait être annoncé à la rentrée, l’administration aura fort à faire pour s’assurer que cet afflux d’argent ne finisse pas dans les mauvaises poches, pour un gain énergétique proche de zéro. « 
Soucre: BATIACTU
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